Europe : les laboratoires d'amiante au pied du mur

Une étude européenne coordonnée par le réseau PEROSH (Partnership for European Research in Occupational Safety and Health) a cherché à établir des facteurs de conversion standardisés entre les trois méthodes d’analyse majeures d'amiante : MOCP, MEB, et MET.

Le 28 mai 2025

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Vers une harmonisation européenne de l’évaluation de l’exposition à l’amiante : quelles conséquences pour les laboratoires ?

Temps de lecture : 7 min – Catégorie : réglementation, technique, Europe

Contexte : une réglementation européenne renforcée

La directive (UE) 2023/2668, publiée en novembre 2023, modifie profondément les obligations en matière de mesure de l’exposition à l’amiante. Elle réduit drastiquement, au sein de l'Union Européenne, la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 100 000 fibres/m³ à :

  • 2 000 fibres/m³ si l’on compte les fibres de diamètre compris entre 0,2 et 3 µm,

  • ou 10 000 fibres/m³ si l’on inclut les fibres plus fines que 0,2 µm.

Elle impose également un abandon progressif de la microscopie optique à contraste de phase (MOCP) au profit de la microscopie électronique (MEB ou MET) d'ici fin 2029, avec une obligation de mise en conformité dès novembre 2025.

Dans ce contexte, une étude européenne coordonnée par le réseau PEROSH (Partnership for European Research in Occupational Safety and Health) a cherché à établir des facteurs de conversion standardisés entre les trois méthodes d’analyse majeures : MOCP, MEB, et MET.

Objectif de l’étude : rendre comparables les mesures entre États membres

Chaque pays européen applique ses propres méthodes de prélèvement, de comptage et de définition des fibres d’amiante. Ce manque d’harmonisation empêche toute comparaison directe des données d’exposition. L’étude visait donc à :

  • Cartographier les pratiques nationales,

  • Comparer directement des résultats obtenus par différentes techniques analytiques,

  • Élaborer des facteurs de conversion à partir de modèles statistiques et d’analyses granulométriques des fibres.

Méthodologie : trois approches combinées

1. Comparaison directe des techniques analytiques

Des études antérieures et des données de terrain ont permis de comparer des mesures réalisées en parallèle sur les mêmes filtres avec différentes méthodes. Ces comparaisons ont montré que :

  • MET donne systématiquement des concentrations plus élevées que MOCP et MEB.

  • Les facteurs de conversion MET/MOCP varient fortement : de 2,3 à 88, selon le type de matériau, la nature des fibres (chrysotile, amosite…) et l’énergie appliquée (travaux manuels ou mécaniques).

2. Modélisation statistique par régression

Avec plus de 40 000 mesures personnelles, un modèle de régression a permis d’estimer :

  • Un facteur de conversion moyen MEB/MOCP= 2,5,

  • Un facteur de conversion MET/MOCP= 10,7,

  • Et un facteur MET/MEB = 26,8.

Mais ces valeurs varient fortement selon le type de matériau, les mesures de protection utilisées, et l’énergie des opérations de retrait (outils manuels vs électriques).

3. Analyse des distributions de taille des fibres

Les fibres ont été caractérisées en fonction de leur longueur et diamètre, sur la base d’un modèle log-normal. Résultat :

  • Jusqu’à 45 % des fibres de chrysotile ont un diamètre < 0,2 µm, contre 5 à 10 % pour l’amosite.

  • Environ 30 % des fibres sont courtes ( quelle que soit leur nature.

Cela justifie l’écart de comptage entre MEB (limité par sa résolution) et MET, qui détecte davantage de fibres fines et courtes.

Résultats et limites

Ce qu’il faut retenir de l'étude :

  • Aucune méthode unique de conversion n’est universellement applicable.

  • Les facteurs de conversion dépendent du type d’amiante, du matériau, de l’énergie du procédé, des protocoles nationaux, et de la technique utilisée.

  • Le MET est la méthode la plus sensible, mais aussi la plus complexe et coûteuse.

Les défis :

  • Les modèles statistiques sont biaisés par la disparité des données entre pays.

  • La mise en conformité avec la directive exigera des efforts importants d’harmonisation technique, mais aussi une réévaluation des critères de comptage des fibres, notamment l’abandon du seuil de 0,2 µm hérité des limites de la MOCP.

Perspectives : une opportunité pour standardiser les pratiques

Cette étude constitue une avancée majeure pour la comparabilité des mesures d’exposition à l’amiante en Europe. Elle met en lumière la nécessité :

  • D’une meilleure standardisation des méthodes analytiques (notamment MET),

  • D’une formation accrue des opérateurs à ces nouvelles techniques,

  • Et d’une prise en compte des spécificités locales pour adapter les seuils réglementaires et les protocoles.

Pour les acteurs du désamiantage, bureaux de contrôle, entreprises et laboratoires, ces résultats sont une base précieuse pour anticiper les évolutions réglementaires à venir, et adapter leurs outils de mesure à des exigences toujours plus fines.

Sources :

 

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